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Le double apparait alors indissociable à ma pratique. La thématique du réel et de ses doubles est au cœur de mes recherches, qu’elle soit dans mes expériences personnelles ou dans le domaine de l’histoire de l’art, de la philosophie et de la psychanalyse. Pour moi, le double est présent depuis ma naissance à travers la gémellité.

La lecture de L’École du réel, 2008 de Clément Rosset m’a fortement influencée dans mon travail. Pour lui, « le réel est la seule chose du monde à laquelle on ne s’habituait jamais ». Il s’attaque à la dualité de notre réalité en étudiant le mythe oedipien des oracles et sa réflexion s'élargit à l’ontologie du réel puis à l’Homme lui-même. Il y a ici une critique sous-jacente de la société qui déforme le réel pour n’y voir que son plaisir et cet étrange monde oblique dans lequel nous vivons face au miroir de nous-même. À mon sens elle fait écho à l’ordre du complément et de la complétude de l’être humain. L’illusion qu’il y a toujours quelque chose à combler, source de frustration ou d’aveuglement face au réel.

Nous créons sans cesse des doubles afin de faire face à l’unicité des choses, du monde. La façon dont on s’imprègne du réel pour en faire une réalité dénote cette impossibilité de l’atteindre.

Il y a quelque chose de sensitif, de corporel, d’immuable dans la peinture qui me fait tendre vers la création et la volonté d’attraper, de comprendre ne serait-ce qu’un instant ce monde oblique et impalpable qui nous est donné à voir et qui tend à se répéter à l’infini.

Le portrait est pour moi une énigme insolvable d’où ma motivation à l’interroger. La façon dont les personnages apparaissent dans le cadre, les objets qui les entourent, la lumière, leur forme et mouvement en symbiose ou en opposition avec le fond sont des éléments qui jouent avec une certaine narration, une idée, une énigme du réel ; de ma perception du monde qui m’entoure. Ma pratique de la peinture s’inscrit dans un rapport à la photographie.

Dans sa réalisation émergent des évènements inattendus qui donnent à voir la temporalité dans l’objet de la peinture et l’inscrit dans une démarche artistique contemporaine. J’adore mettre en tension l’image écran et l’image peinte et ainsi jouer avec la reproduction grâce à la singularité propre à la peinture. En fonction du procédé utilisé, mes images picturales oscillent dans une relation de proximité et d’éloignement de part un mélange et un écart entre une technique minutieuse, longue et léchée et une rapidité d’exécution, voire d’interruption.

La frontière du visible et de l’indicible se hisse alors dans mes représentations. Je cherche à atteindre une certaine subtilité en inscrivant la figuration dans un rapport précis et maîtrisé autour de la question du sujet. Je m’intéresse dans ma pratique artistique actuelle au destin des images et à leur évolution sous différents médiums, principalement en peinture que j’aime mettre en relation avec la 3D, la vidéo et l’installation.

Qu’est ce que veut dire peindre aujourd’hui avec les outils numériques dont on dispose? Comment donner du sens une image et l’émanciper lorsqu’on interconnecte différents médias? L’art de peindre le numérique, le numérique de l’art de peindre, l’art du numérique à peindre...

Lauren Sié travaille avec ses ami.e.s, sa famille, qu’elle représente dans des mises en scènes assumées. Il ne s’agit absolument pas de moments fortuits ou volés. Les modèles se savent représentables et on s’imagine s’en amuser.

La réflexion sur l’objet tableau est au centre de sa pratique : qu’est-ce qu’un tableau? Qu’est-ce qu’un portrait en tableau? Et à l’artiste de s’occuper de ses possibles dérives. L’œuvre produit une impression étrange : si l’image peinte avec grande minutie et bonheur, elle peut paraître kitsch, convenue, fardée.
La pose de cette jeune fille est exagérée, sur-jouée. Ces poils pubiens sont trop bien peignés. Cette peinture de famille est plus maquillée qu’un carré d’as. Ces coquillages sont de guimauve... Tout est à l’avenant, mais enrobé par une belle qualité picturale.
De toutes ces conventions et systèmes de représentation, l’artiste en a fait des boulettes de papier et en a créé un jeu de piste pour le spectateur : par exemple la représentation d’une table est mise en abîme par le cadre qui lui répond par un jeu de matière ou de détail, les ongles de la dame renvoient à l’arc en ciel de pacotille, etc. Ce jeu de relation fait office de boule à facettes (ou de triple miroir de salle de bain, c’est selon) : on n’y voit pas la fin (on ne sait plus quoi regarder).

Texte rédigé par Stéphane Balleux & Gauthier Hubert dans le cadre de la publication « Master Peinture 2021 » à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles (Arba-ESA)

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